dimanche 4 décembre 2011

45- Sherlock Holmes contre Jack l'eventreur (A study in terror), James Hill, Grande-Bretagne, 1965





Bien des visages prêtés à Sherlock Holmes, par bien des acteurs. Dans le film de James Hill, c'est John Neville qui incarne l'implacable detective de Conan Doyle. Neville restera dans les mémoires pour un rôle nettement moins retenu, celui du Baron de Munchausen de Terry Giliam.

Nous sommes ici dans le registre du pastiche Holmésien, puisque Conan Doyle ne lançant jamais son héros à la poursuite du bourreau de Whitechapel. Inutile de dire que l'idée fonctionne parfaitement, et que la collision des mythologies (qui sera d'ailleurs revistée par d'autres cinéastes, on pense bien sûr à Murder by Decree ) se fait sans heurt aucun. C'est que James Hill ne prend pas de risque et s'appuie sur les clichés les plus efficaces : ses bas quartiers londoniens sont baignés de brouillard et garnis de prostitués, de malfrats et d'ivrognes. La description de ces tavernes bondées, de ce peuple des bas fonds écrasé par la pauvreté, se noyant dans l'alcool- préoccupé avant tout de survie, littéralement, au jour le jour, semble très importante pour le cinéaste. On notera par exemple ces deux numéros de chant d'une entraîneuse de cabaret fanée, bien plus longues que ce que la narration exige, et qui traduisent d'une façon assez touchante l'empathie du cinéaste pour les victimes.

Elles sont impitoyablement exécutées dans quelques scènes de meurtre enlevées et violentes, graphiquement très inspirées- ont-elles influencé celles de From Hell, bijou mal aimé des frères Hughes ?
Hormis ces saillies, la mise en scène de Hill est assez sage- tout au service, comme c'est souvent le cas dans les aventures de Sherlock Holmes- des avancées d'une enquête dont les spectateurs ne doivent pas manquer un developpement. Le docteur Watson est incarné avec moins de bonhomie que ce que l'on a pu voir parfois, et le Holmes de Neville est parfait de retenue, sans qu'il lui soit nécessaire d'appuyer sur la supposée misanthropie du personnage. Lestrade, en revanche, correspond bien au cliché en vigueur et s'avère aussi épais et peu compétent qu'à l'habitude.

Le film s'emploie à illustrer la thèse devenue très répandue au sujet de l'éventreur : les meurtres seraient commis par un membre de la société dirigeante, incarnant et radicalisant, en quelque sorte, des rapports de domination de la classe bourgeoise et aristocratique sur la classe laborieuse et proléraire. Il ne s'agit cependant que d'un arrière plan idéologique au film, qui constitue une des belles réussites des incarnations cinématographiques de la mythologie crée par Conan Doyle, et qui déploie un solide scénario, feuilletonesque comme il se doit, à la conclusion un tantinet trop prévisible, mais bien amenée, et assez logique.

On notera une pointe d'humour final, Sherlock survivant à un incendie, et répondant à l'étonnement de Watson par un malicieux : « mais voyons, c'est mon invincibilité légendaire ! », clin d'oeil, certainement, à l'improbable résurrection consentie par Doyle à son héros.

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