lundi 27 août 2012

53- Le navire étoile- Alain Boudet – France- 1962



On en reste comme deux ronds de flan. Au début des années 60, comme nous l'explique longuement le présentateur, la télévision française décide de prendre acte de l'émergence d'une science-fiction de plus en plus populaire en produisant une adaptation d'un roman paru dans la célèbre collection Anticipation du Fleuve noir. Ce qui étonne- et ravi- c'est le sérieux de l'entreprise, qui ne prends pas son sujet de haut, et écarte l'idée que la SF serait réservée aux enfants ou aux travailleurs en mal de divertissement. Le récit, très sérieux, voir sentencieux, est un précipité de toutes les angoisses de l'époque : pouvoir totalitaire et désincarné, privation de la propriété individuelle, toxicité de l'environnement etc...

L'histoire est un huis-clos dans un vaisseau spatial, le navire étoile du titre, voguant dans l'espace sous la double authorité d'un commandant aussi invisible que le magicien d'oz, et d'un ordinateur « Psycho », aux instructions duquel il faut se ranger sans discussion. La legislation de ce microcosme repose entièrement sur la notion de « gaspillage ». Le meurtre, par exemple, ne semble intolérable que parce qu'il gaspille un exemplaire d'une espèce humaine menacée d'extinction : elle est réduite aux 2000 passages du navire stellaire.

Pour faire régner la loi, l'ordinateur dispose d'une « Psychopolice », dont il choisit arbitrairement les membres. Le rite initiatique qui fait d'eux des membres des forces de l'ordre est la révélation d'une vérité : on ne meurt pas de mort naturelle à bord du vaisseau, les passagers peuvent être secrètement assassiné passé 40 ans, âge fatal où l'on commence à coûter plus qu'on ne rapporte. Brrr...

A bord du navire, les couples sont choisis par Psycho qui gère le plus efficacement possible les reproductions. Toutes autres relations amoureuses sont interdites...

Bien sûr, le récit amènera Eddy Burns, bleu fraîchement nommé de la police, à transgresser toutes les lois du vaisseau jusqu'à faire éclater une déstabilisante vérité …

On reconnaîtra dans ce canevas bien des traits et ressorts de films à venir, de THX 1138 à Wall-E et on est tout de même assez admiratif devant la justesse de l'intuition de l'auteur aussi bien que des adaptateurs. Formellement, le film se heurte au limites du genre télévisuel. C'est du théâtre filmé qu'on regarde, même si la direction artistique, tout en décors géométriques épurés et tenues spatiales médiévalisantes ne manque ni d'élégance ni d'audace- elles ressemblent fort, d'ailleurs à celles, 20 ans plus tard, de Tron. Se reposant presque exclusivement sur des échanges dialogués rendus statiques par l’exiguïté des décors et le faible nombre de lieux différents, le film réussit tout de même le pari de tenir en haleine pendant 1H42, sans sacrifier aux aspects les plus mouvementés et feuilletonesques du genre : razzias sur les stocks par de mystérieux révoltés vivants dans les interstices réputés inhabitables du vaisseau, complots politiques, duels dans l'arène, rendez-vous secrets, filatures dans les couloirs... l'équilibre entre la part de réflexion attendue dans un récit d'anticipation et péripéties est toujours tenu et dynamique.

Une vraie curiosité, mais aussi une vraie réussite, sans doute d'autant plus enivrante qu'on l'a laissé reposer 50 ans (!) dans les bonnes caves de l'INA. D'autant plus indispensable que le film laisse à rêver à une histoire méconnue de la science-fiction française, si d'autres pépites de ce calibre attendent qu'on les exhume des sarcophages de l'institut national de l'audiovisuel. La manie de l'archivage a ses vertus !

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