samedi 27 octobre 2012

Revoir 1982 (27/31) Double Feature- on la refait ! : Tron


Revoir 1982 (27/31) DOUBLE FEATURE ON LA REFAIT ! : Tron
Tron- Steven Lisberger- 1982- Etats-Unis
vs.
Tron Legacy- Joseph Kosinski- 2010- Etats-Unis


 VS.


 
 Double Programme le samedi soir, comme l'an dernier ! Cette fois, on voit double. Chaque semaine, on se recolle devant deux films d'affilée, l'un étant toujours le remake de l'autre, et l'un des deux nous provenant, évidemment, de l'inénarrable an 82. Dernier samedi, virée en moto fluo dans le cyberespace 8 bits...





Sur le même principe que les agressions animales de 2011, nous passerons les films et leurs remakes au tamis d'un questionnaire identique chaque semaine, donc voici les questions:
1.Mais pourquoi il voulait le refaire, ce film, il est pas bien ?
2.C'est pas vrai. Ils ont changé la fin ?
3.Et ils ont pris qui, pour le refaire ?
4.Franchement, les effets spéciaux ils  avaient pas l'air vieux ?
5.Ça m'a donné envie de revoir l'autre, non ?
6.Et la scène là, il y est aussi dans le nouveau ?
7.Alors c'est lequel que tu préfères ?
8.Et ils pensaient que ça allaient marcher ?

1.Mais pourquoi il voulait le refaire, ce film, il est pas bien ?

Chef de Gare: On va pouvoir discuter de la qualité de Tron, je dirais que l'idée d'une nouvelle version, vu l'univers du film, avait du sens. Tron construit son univers fictif sur la mythologie naissante de l'univers numérique, qui a pris une telle importance dans nos existences que le projet d'un Tron prenant acte des 30 ans de developpement technologiques- et de l'imaginaire qu'on y associe- avait de quoi exciter. Je n'anticipe pas la discussion, mais le résultat est loin de compte. En tous cas, pour les responsables de Disney, le nouveau film Tron Legacy, faisait partie d'un plan global, pour devenir plus compétitif sur le marché des garçons adolescents, qu'ils touchaient peu, et qui sont plutôt la clientèle de Georges Lucas. donc autour de Tron, ils ont imaginé tout un "univers" qui doit être exploiter sur différents supports? On verra que ça se ressent dans le film. Tron Legacy, le produit phare de cette "franchise" est donc, suivant ce principe bizarre qu'on a retrouvé dans The Thing et  Conan cette année, à la fois une suite et un remake. Sachant qu'il a toujours été important, pour les gens de Disney, d'obtenir un film qui puisse être vu par le public qui n'aurait pas vu le Tron d'origine. je crois que, d'un point de vue commercial, c'est un bon point de vue. Tron fait partie de ces films dont l'imagerie est très célèbre mais que finalement, peu de spectateurs ont vu.





Matthias : Tron version 82 fut le premier film à situer résolument son action dans le monde virtuel, cette « nouvelle frontière » technologique dont il est question au début de son remake. Ce type d'univers n'en était pas moins déjà un topos habituel d'une certaine littérature de science-fiction typique du début des années 80, le cyberpunk, avec lequel ce Tron pourtant tout disneyien partage un certain nombre d'aspect. Bien entendu, ce sous-genre fit florès, à la fois en littérature et au cinéma, et nous ne pouvons évoquer le Tron-remake de 2011 sans nous référer à la série cinématographique qui a mondialement popularisée la vie à l'intérieur de la « matrice », vous aurez reconnu bien entendu Matrix, qui à l'aube des années 2000 renouvelait et le genre dans sa totalité et la manière de le filmer, en opposant programmes et être humains numérisés, dont les programmeurs semblaient nous arriver tout droit de Hong-Kong et de Shaolin – référez-vous à ce propos à la chronique d'hier de mon camarade le Chef de gare. Ainsi 30 ans plus tard, l'héritage de Tron, le véritable, est celui qui semble passé par la culture populaire cinématographique chinoise, par l'hommage-trahison des frères Wachowski. 
Le chef de Gare: Le cyberpunk était tout de même encore naissant au moment où Tron est mis en chantier. Et on est frappé, c'est vrai, par les similitudes entre Matrix et Tron. Mais je ne dirais pas que Matrix renouveler le genre. Blade de Stephen Norrington était déjà sorti- son esthétique cuir/ chrome est la même, et le chinois fou Tsui Hark avait produit Black Mask, une tentative de super-héros à la chinoise que Matrix décalque complètement. Jet Li a d'ailleurs refusé de jouer dans le suites de Matrix. Fierté ? en tous cas, Matrix, je vois plutôt ça comme la compilation réussie, avec les moyens de Joel Silver, d'une certaine SF et du cinéma d'action chinois, qui trouve enfin sa place dans le film d'action américain en rationalisant ses prouesses en apesanteur par un argument narratif. Matrix c'est un peu l'ultime best-of de William Gibson et Philip K.Dick. Du coup, c'est compliqué de passer derrière. Et Tron Legacy n'apporte rien d'autre que son formidable univers visuel.


2.C'est pas vrai. Ils ont changé la fin ?

Le chef de gare: En fait non. Ils n'ont pas changé la fin. Ils ont rajoutés dans Legacy le personnage virtuel qui passe dans le réel, mais à la fin c'est pareil: Flynn met fin à sa turbulente jeunesse et accepte ses responsabilités de capitaine d'industrie. En fait, ils n'ont pas changé grand chose entre les deux films. C'est d'ailleurs le problème. Tron Legacy est juste une mise à jour technologique, avec un savoir faire largement plus performant que celui des techniciens de 1982, mais qui en fait, ignore complètement les nouvelles problématiques qui aurait dû inspirer les scénaristes pour une histoire plus ambitieuse. Tron est moins spectaculaire que Legacy, mais son côté brut lui donne une beauté intemporelle, une élégance même, qui a peut-être plus de charme que celui de sa suite. Mais Tron Legacy est un triomphe plastique, un film "trippant", porté par une musique fabuleuse, la grande idée est d'avoir engagé Daft Punk. Qu'il apparaissent dans le film est d'ailleurs très révélateur. Tron Legacy, sous ses meilleurs aspects, se rêve comme un espèce de comédie musicale techno, ou des personnages seraient invités à venir faire la fête avec des corps virtuels et infatigables dans une nuit qui n'a pas d'aube. C'était sans doute le seul moyen, de faire ce film là, pour dire quelque chose de notre monde numérique contemporain, sans avoir recours à un scénario ambitieux. Malheureusement, en reprenant telle quelle la structure du film de 1982, le nouveau Tron relève de l'arrière garde de la SF. Alors qu'en 1982, on peut dire que le film de Lisberger était pionnier.

Matthias : Et il est vrai que ce Tron 2010 est d'un conformisme narratif qui vient contredire son original. Même la fameuse scène de la « boite de nuit », certes amusante avec ces Daft Punks en guest stars qui n'ont pas même besoin de changer de leur habituel costume, semble hors sujet. On sent bien qu'il y a là l'influence de la série des frères Wachovski, qui de la même manière nous proposait un personnage-programme excentrique, hors de l'influence réelle de la Matrice, et dépositaire d'un savoir inaccessible à tout autre. Un genre de « génie » à l'américaine, assez typique de personnages réels issus notamment du monde informatiques, les fameux gourous geeks tout-puissants et éventuellement arrogants, que sont par exemple Mark Zuckerberg ou Steve Jobs. Mais là où chez les Wachovski, ce personnage, le Mérovingien, était incarné par un Lambert Wilson en très grande forme, et représentait un personnage foncièrement marginal et subversif – voire cynique – le « génie » de la boite de nuit de Tron Legacy n'est plus qu'une folle extravagante, dont la veulerie n'a d'égal que la vanité. Le couple qu'il forme avec sa compagne-programme, femme fatale aux formes blanches arrondies par le concept visuel du film, nous indique bien le produit de consommation de masse qu'est ce film, contrairement à ce qu'avaient tenté les Wachovski.

Le chef de gare: Je suis tout à fait d'accord avec toi. Sauf que j'aime beaucoup cette scène, tout comme la scène où les filles déshabillent Sam Flynn en une sorte de chorégraphie. Ces moments là, j'aurais voulu qu'il dure 25 minutes chacun, sans dialogues, avec la musique à fond. Quoi qu'on en pense, pour un film à si gros budget, les Wachovski avait fait quelque chose d'assez osé et de très beau dans la scène de rave de Matrix Reloaded.





3.Et ils ont pris qui, pour le refaire ?

Le chef de gare:
Un illustre inconnu: Jospeh Kosinski. Mais Steven Lisberger, le réalisateur de Tron, produit la chose. Et puisqu'on parle de Lucas, Lisberger a d'ailleurs essuyé un terrible échec commercial avec Slipstream (le souffle du futur) mettant en vedette un Mark Hamill en rupture de Luke Skywalker, et produit par Gary Kurtz, ancien collaborateur de Lucas, qui est pour beaucoup celui qui a permis le succès artistique de Star Wars et Empire Strikes Back. Lisberger ne s'en ai jamais remis, je crois, et le voilà qui ne remets le pied à l'étrier qu'en tant que représentant de sa marque "Tron".
D'ailleurs avant de balancer 200 millions de dollars dans leur produit, les responsables de Disney ont tâté le terrain en présentant une démo- visible sur le Blu-Ray de Legacy, à la Comic-con, la grande convention de l'imaginaire américaine. Elle rassemble des fans, dont l'avis semble terrorisé les studios aujourd'hui. Le triomphe remporté par cette petite démo donne le feu vert au projet. Mais il y a une grosse différence entre le grand public et le public de la Comic-con. Je trouve que cette place qu'on pris les "fans" est désastreuse. C'est déjà terrible de faire des films pour le public, mais quand on commence à les faire pour un public de fanatique, on rentre vraiment dans une logique industrielle qui marche sur la tête. Lisberger, en 1982, faisait vraiment quelque chose que personne n'attendait.
Matthias : Oui, et c'est d'ailleurs ce côté film de fan qui m'insupporte dans ce Tron, quand le projet est en fait fabriqué pour plaire au plus grand nombre. Alors, il faut bien se décider, ou l'on fait un "vrai" film de fan, et là, non seulement on prend le risque de ne plaire qu'à eux, mais pire de ne même pas leur plaire à eux, ou l'on fait un film grand public, et on essaie plutôt d'arriver à un Star Trek II qu'à ce produit dont on se demande à qui il s'adresse.

Le chef de gare : Et le paradoxe, je trouve qu'au bout du compte, la seule chose qui donne un peu  d'identité et t'implique dans le film, ce sont les références implicites au film d'origine. Les trucs qui ne sont perçus que par ceux qui ont vu Tron, comme le fait que C.L.U soit le programme capturé et détruit par le MCP au début du film de 1982. Mais on n'est pas sorti de l'auberge, parce que cette logique du film de fan pour les fans vient de triompher avec Avengers. ça me blesse d'autant plus que maintenant, quand tu est vraiment cultivé dans des domaines comme le cinéma d'horreur ou la bande-dessinée américaine, la presse te désigne comme "Geek", "Nerd" ou je ne sais quel terme journalistique dégradant que je déteste. D'autant plus qu'aujourd'hui, ceux qui semblent ravi de revendiquer ce genre d'étiquette se gargarisent du cinéma de Joss Whedon, qui au fond, n'a aucune différence avec celui de ce Kosinski qui nous a fait Tron. Sauf qu'au moins, Kosinski, d'un point de vue plastique, en a sous la pédale.

Matthias : C'est probablement le piège du cinéma de genre que de n'exister que de cette manière « tribale ». Et c'est exactement cela qui se trouve derrière des termes comme fan, geek, ou autres. J'appartiens à tel univers à l'exclusion de tel autre... Évidemment la négation de ce que devrait être le genre, qui s'il existe à la marge, ne prétend surtout pas y « régner ». Je suis d'accord avec toi quant à la logique strictement commerciale qui consiste à fabriquer de la servitude volontaire...


La comic-con et l'adoubement apparemment obligatoire des geeks, nerds et autres fans.

Le chef de gare : Le chef de Gare: Et ce qui est presque pathétique, c'est de voir des sites internets ou des internautes- toujours des amateurs, des spécialistes auto-proclamés- se revendiquer d'une marge, d'une contre-culture, alors que les Super-Héros, les Bd Marvel, les films d'horreur, c'est devenu la culture dominante ! La servitude volontaire... c'est tout à fait ça. les grands studios auront vraiment gagné quand ils auront réussi à faire croire à leur public que ce film qui vient de ramasser 2 milliards de dollars est un geste complice adressé au amoureux d'une contre-culture réservée aux Happy-few. Je crois qu'internet a joué un rôle fondamental dans cette récupération. Et ça encore, Tron Legacy ne s'en fait pas l'écho. Sauf dans ces scènes pas inintéressantes, au début, avec le fils du méchant de Tron, qui a intégré l'entreprise et la fait prospérer.

4.Franchement, les effets spéciaux il savaient pas l'air vieux ?

Matthias : Bien sûr, et c'est même tout leur charme. C'est vrai toutefois que l'un des – rares – réussites du remake, c'est cet univers plastique, visuel et musical, qui reprend le look du pionnier du genre et parvient à le remodeler légèrement, mais suffisamment pour exploiter toute le potentiel technologique des effets numériques d'aujourd'hui. Mais à cette exploitation de designer-graphiste, je ne peux m'empêcher de préférer l'inventivité visuelle du Tron de 1982, dont l'aspect primitif – et du point de vue informatique, nous sommes vraiment dans le primitif – fabrique des images beaucoup plus intéressantes : un monde à la fois proche du nôtre et complètement abstrait, constitué de structures simples, des losanges, des dodécaèdres, des lignes, des surfaces géométriques... Tout un monde mathématique, froid et grandiose à la fois, encore un peu psychédélique, et déjà dans la simplicité atemporelle d'un monde de chiffres – et d'ailleurs avant 1982 peut-on peut-être trouver une occurrence d'un tel monde, dans le THX1134 d'un certain... Georges Lucas... L'ouverture des deux à ce sujet est significative : des lignes « informatiques » se déploient pour finir par se fondre avec les les rues illuminées de Los Angeles. Mais ce qui apparaît comme un geste formel dans le Tron de 1982, n'est plus qu'un signe nostalgique dans celui de 2011. Dommage pour un film tournée après l'explosion du numérique... 

1982

2010

Le chef de gare: Oui, mais je trouve le générique de Tron Legacy, avec ses immeubles couchés, sa musique prenante vraiment superbe. Le film joue d'ailleurs ouvertement la carte de la nostalgie des années 80's très en vogue chez les gamers, qui rejouent sur des consoles nintendo 64 ou à des vieux jeux 8 bits. Mais là ou il y avait encore une vrai matière-pourquoi pas l'affrontement d'un vieux monde Tron et d'un nouveau monde Tron 2.0- à faire de cette nostalgie une problématique, c'est encore une fois un simple arôme supplémentaire destiné ) élargir un peu plus le public potentiel du film. Il aurait été interessant de mettre en scène ce regret- déjà- d'une autre époque numérique. Le cyberespace a déjà une génération, et ses pionniers, voir ses pères fondateurs, nommés Pacman, Mario ou Barbarian. Disney n'a pas lâché l'affaire et va sortir "Wreck-it-Ralph", un dessin animé qui reprend tous ces éléments, mais d'une manière, j'espère plus intéressante.


Wreck-it-Ralph: Disney essaye encore de surfait sur la nostalgie des jeux vidéo 80's

La mise à jour technologique du film est sans doute une des raisons principales de la mise en chantier de Legacy. On a dû se dire en haut lieu: « Bon sang, on avait Matrix 15 ans trop tôt, on ne va pas quand même passer à côté du pactole en 2010 ? » Les initiateurs de Tron n'avaient pas froid aux yeux: ils avaient la vision d'un univers numérique, un "cyberespace" alors que l'ordinateur personnel n'existait même pas ! Comme dit Lisberger: Votre téléphone a une plus grande mémoire et bien plus d'application que nos ordinateurs de 1982. Les décors de Tron sont fait de feutrine noire parcourue de scotch blanc, et les costumes sont des pièces de tissu filmé en noir et blanc et peints image par image pour obtenir les effets colorés. C'est vraiment un travail visionnaire. Même si l'esthétique de Tron est très inspirée de l'oeuvre graphique d'un génie de la BD, Jack Kirby. C'est son ombre que je vois sur le film, bien plus que celle de Moebius, qui a participé aux design du film. Même si Tron Legacy n'invente rien de plus, et mange à tous les râteliers (on a des décors très 2001), le film est tellement beau, tellement bien conçu visuellement, que j'ai eu un grand plaisir à le regarder.

5.ça m'a donné envie de revoir l'autre, non ?
Matthias : Pour être franc, j'ai eu un plaisir comparable sur les deux films : les 20 premières minutes, d'abord pour des raisons formelles. Il est clair aussi que le Tron 2010 va chercher du côté de Nolan, et sa mise en scène de course poursuite à moto dans le premier quart d'heure m'a rappelé certaines scènes de Dark Knight. Quant à la course de cyclo-lumière au début de l'original, je la trouve assez formidable du point de vue plastique. Mais très vite, cette fascination s'émousse, faute d'être relayée par un récit digne de ce nom, qui mettra en perspective cet univers plastique qui se déploie. Et là, j'ai commencé à m'ennuyer ferme, sur les deux films... Je suis d'accord avec toi, au fond, dans ce cas-là, une manière de faire un peu radicale aurait pu être de se passer tout simplement de récit, puisque celui-ci est assez con dans les deux films, au profit d'un pur formalisme presqu'abstrait. Mais, n'est pas Michael Mann qui veut... 



Le chef de gare: Je te rejoins mot pour mot. Je suis peut-être meilleur spectateur que toi pour ce genre de film. Et puis il y a, pour ce genre d'objet esthétique, une importance du support par lequel tu découvres le film. J'ai vu Tron dans sa version restaurée Blu-Ray, et il faut dire que c'est beau à tomber. Le vif des rouges, la luminosité des lignes de couleur... je me suis ennuyé aussi, et en même temps, j'ai pris un plaisir visuel immense au film. J'aime bien Tron Legacy, malgré tout, alors que je trouve que Tron est vraiment une pièce de musée. Ce qui est bien aussi... la pop-culture a bien le droit d'avoir ses incunables déconsidérés ailleurs. J'aime bien les acteurs de Legacy aussi. Je pourrait écouter Jeff Bridges lire le bottin- et là on en est pas loin. Le jeunot qui joue Sam Flynn, Garett Hedlund m'a beaucoup plus. Il a quelque chose d'écorché, d'intense, qui me fait songer à Emile Hirsh, qui par ses choix de carrière a réussi à se relever d'une galère similaire à Tron Legacy, Speed Racer, même si le film des Wachovski était plus interessant. Et puis j'écoute souvent le score du film de 2010, que je trouve extraordinaire, et qui parfois m'a même ému dans le film. La musique de Wendy Carlos, par contre, m'a vraiment gonflé. Il y a un plaisir sensuel, dans Tron Legacy qui m'a touché. Ce film, c'est un peu comme ces Bd improvisées de Moebius, où tu finis par ne plus lire les bulles pour te laisser balader par les images.


6.Et la scène là, elle y est aussi dans le nouveau ?
Matthias : On pourrait bien sûr évoquer les fameuses courses de cyclo-lumières, emblèmes du film original et de son remake. A mon sens, la sécheresse de cette scène dans celui de 1982 rend compte d'une mise en scène plus rigoureuse, et moins action-movie, que celle du film de 2010. Mais j'imagine aussi à quel point elle pourrait ennuyer un jeune spectateur de 2010, pour lequel une course-poursuite, c'est forcément au moins six points de vue différents en une seconde. Juste pour le souligner, et insister sur l'amalgame, au sens plus du terme, du cinéma populaire du début des années 80, il me semble bien que cette fameuse scène ne sera pas sans inspiré Lucas, l'année d'après, pour sa courser-poursuite de moto-jet dans Le Retour du Jedi. Qu'en penses-tu, camarade Chef de gare ?





Le chef de gare : je ne trouve pas que la mise en scène de Legacy manque de rigueur. Les passages fameux de Tron sont aussi dans Legacy, qui adopte globalement la même structure : l'intrusion de Flynn dans le bunker Encom (Sam reprend d'ailleurs la réplique de son père, clin d'oeil!), l'éléctron libre qui pirate le système du conglomérat industriel, l'arrivée dans le monde virtuel via le laser, qui est sanctionnée par une mise à l'épreuve immédiate dans l'arène, l'évasion par une faille vers une résistante, l'arrivée du personnage féminin à la moitié du film, le groupe de trois personnages contre le dictateur local, le final reposant sur un compte à rebours limitant l'accès à notre monde, le vaisseau papillon... les éléments repris sont innombrables. Seul Kevin Flynn, au fond, à évolué.
J'ai le même ressenti que toi sur les deux films, si ce n'est que j'ai pris un grand plaisir à regarder les deux, même si l'histoire n'a très rapidement plus aucun intérêt. A partir des même éléments, ce sont deux films aux beauté très différentes. L'un est brut et avant gardiste, l'autre un long clip plastiquement splendide, et filmé avec élégance. Je m'ennuie, mais avec l'oeil qui rit. Quant au Retour du Jedi, oui, je n'y pensais pas, mais c'est peut-être vrai. En tous cas, à la revoir aujourd'hui, il est évident que la poursuite en moto-jet a quelque chose du jeu-vidéo de l'époque. Bien plus, du point de vue de la mise en scène, que les courses de Tron, d'ailleurs. La technologie balbutiante de 1982 ne permettant pas à Lisberger, il me semble, le point de vue subjectif du jouer devant sa borne d'arcade.

7.Alors c'est lequel que tu préfères ?
Matthias : Aucun de ces deux films n'a un intérêt autre que strictement plastique – et après tout, c'est déjà pas mal ! On peut toutefois regretter que le film de 2010 ne se soit pas emparé de son sujet, comme on l'a déjà évoqué à plusieurs reprises, pour nous offrir un film qui tout en ne sacrifiant rien de son aspect divertissant – après tout, n'oublions pas que Trons 1982 & 2010 se déroulent dans un univers de jeux vidéo – aurait pu nous offrir quelques images littérales dignes de ce nom. A plusieurs moments dans le film, on imagine qu'elles vont arriver – ainsi lorsque Flynn Jr pénètre dans « l'antre » de son père et met en route le fameux laser qui numérise les corps – mais nous en sommes toujours très très loin. C'est que ces films ont pour ambition de ne s'adresser majoritairement qu'à un jeune public adolescent masculin – à la part de ce jeune adolescent masculin qu'il y aurait encore en chacun de nous. Cette démarche qui consiste à prétendre savoir ce qui plaît à un public qu'en fait on se représente seulement, voilà ce qui définit les process indutriels d'Hollywood – et voilà ce qui ne produire jamais que des œuvres au plus petit dénominateur commun. En l'occurrence, le destin du film fantastique ou de science-fiction en film d'action – ce fameux plus petit dénominateur – n'est décidément pas près de prendre fin. 

Jeff Bridges, 1982

Jeff Bridges, 2010

Le chef de gare : Pourtant, il y a très peu d'action, en fait, dans Tron Legacy.
Je ne sais pas si les films sur le modèle de Tron, au cinéma ont tellement d'avenir. Le public d'aujourd'hui me semble plus friand de récit foisonnant, d'intrigues tarabiscotées, feuilletonesques. C'est quand même ça que Nolan a importé dans ces films, et c'est sûrement ce qui fait la réussite- financière, artistiquement c'est catastrophique- de Avengers. Le film est présenté comme rassemblant les personnages d'une série cinématographique, le films "marvel studios" et c'est ce foisonnement d'intrigues qui intéresse. Disons que pour réussir, Tron Legacy aurait sûrement du raconter des histoires aussi simples, mais impliquant non pas 3 mais 12 personnages.

Matthias : c'est peut-être là la nouvelle façon qu'à trouvé une certaine grammaire de série-télé de se "venger" du cinéma...
Le chef de gare : Où le seul moyen, pour le cinéma hollywoodien de trouver encore des spectateurs et de survivre.

Matthias : Hollywood semble en crise depuis l'arrivée du parlant... Et pourtant, un film comme Tron coûte plusieurs centaines de millions de dollars. C'est qu'apparemment la crise a du bon en Californie... 


8.Et ils pensaient que ça allaient marcher ?

Matthias : C'est pas le cas ?

Le chef de gare : Ironiquement, je me pose la même question. Tron Legacy a été considéré comme un demi échec. le film a rapporté 172 millions de dollars aux Etats-Unis, et 400 millions dans le monde. Est-ce qu'il n'y a pas un problème quand de tels chiffres sont considérés comme un "échec"? Je ne comprends plus grand chose à ce cinéma de banquier.  Quoi qu'il en soit, la série télé a été produite. Les images sont séduisantes. ça s'appelle Tron Uprising, ça racontera la période entre Tron et Legacy. j'imagine qu'on va nous parler de quelques personnages apparaissant dans le film, ces rebelles vu dans le night club etc... Et là encore, c'est le modèle de Georges Lucas et de son Clone Wars qui est émulé. Pardonne moi mon sentimentalisme, mais je trouve ça hallucinant que quelqu'un pense que quelque chose qu'on sort du chapeau puisse remplacer Star Wars.

Une fin qui évoque celle de Blade Runner version 1982.

Cela dit, je peut te dire que les images de Tron Legacy fonctionnent complètement sur des garçons qui ont notre âge quand on a découvert Star Wars. Ils ont autant de plaisir que nous à saisir au vol les codes du film que nous en avions. Les gentils en bleu, les méchants en rouge, les rapports de génération, le bon père (Kevin Flynn), le mauvais père (C.L.U), ça leur parle tout de suite, et ça leur donne autant un sentiment de connivence avec le film que nous quand on repérait Vador en noir, les stormtroopers en blanc, et qu'on méditait sur la fin de l'empire contre-attaque. Peut être que Tron Legacy, c'est génial à voir quand tu as 9 ans. Le film est très bien fait, la mise en scène a beaucoup de classe, les scènes d'action sont bien chorégraphiées, la musique est plus qu'entrainante, le tout est très bien joué. Autant je trouve Transformers ou Avengers consternants, autant je comprends qu'un petit gars de 2010 puisse rêver à Tron. Et puis il y a quelques pistes S.F pas développées que j'ai trouvées excitantes: l'idée de ce peuple numérique, les ISO, génération spontanée de la machine. ils n'en font rien, mais ça aussi, à 9 ou 10 ans, à coup sûr ça aurait emballé mon imagination. Bref, il y a beaucoup de choses que j'aime dans Tron Legacy, et je pense qu'en regard de l'ambition initiale, c'est une réussite.

Gentil et Méchant





















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