mercredi 22 octobre 2014

22/30 : La Route, de Cormack McCarthy (2006) par John Hillcoat (2009)





Il y a deux manière d’envisager le genre, en l’occurrence l’une de ses déclinaisons que l’on a depuis longtemps baptisée « post-apocalyptique » en littérature et au cinéma : la première consiste à s’inscrire dans une histoire, et donc à en connaître sinon l’historiographie, tout au moins les grandes évolutions, les dates et œuvres importantes, parfois même à en comprendre certes sommairement l’archéologie ; c’est dans une telle perspective que se situent certains des auteurs qui ont traversé ce mois, au cinéma ou en littérature : Matheson, Tolkien, Langelaan, ou encore Serling, Burton, Verhoeven ou Gans. L’autre manière d’envisager le genre consiste à prétendre le terminer, l’achever, en dire tout ce qu’il y a à en dire, de façon à pouvoir tourner la page et s’attaquer à de nouvelles formes. Bien sûr, je grossis un peu le trait, mais cette ambition m’apparaît tout de même être celle de Cronenberg, de Jackson, comme le mentionnait justement le Chef de gare, ou encore, en littérature, de Cormac McCarthy, avec par exemple cette Route toute définitive quant à ce sous-genre dit « post-apo. » par ses laudateurs - de plus en plus nombreux si l’on en croit la prolifération d’œuvres du genre depuis une trentaine d’années. Cette manière d’en finir avec une forme, plus précisément avec l’histoire d’une forme, c’est aussi souvent la marque d’auteurs conscients non plus tant de l’histoire dans laquelle ils s’inscrivent, mais d’abord et avant tout du geste qui est le leur, qui relève de la crise, inscrivant leur œuvre non plus dans une continuité historique, mais d’abord et avant tout dans un espace de rupture vis-à-vis duquel toute l’histoire du genre ne pourra plus se lire que sous le prisme de « l’avant/après » de l’œuvre en question. 



                J’ai déjà à plusieurs reprises cité Stanley Kubrick comme l’un des plus importants promoteurs de ce type de geste en ce qui concerne au cinéma l’histoire des genres. Et il est bien certain, qu’il a en effet commis le « légendaire bon film de science-fiction » qu’il prétendait accomplir, et qui pose 1968 comme une année sinon de rupture tout au moins de fracture dans l’histoire de la science-fiction sur grand écran, de la même manière que son Full metal jacket bouleversa les codes du film de guerre, ou son Shining ceux du film d’horreur. De la même façon, l’on sait maintenant à quinze ans d’écart, que la fantasy au cinéma doit désormais passer par le prisme imposé par Peter Jackson et sa lecture du Seigneur des anneaux. Ces deux-là, parmi d’autres, en auteurs accomplis, avaient parfaitement pris acte de leur volonté de révolutionner le genre et ses représentations. Loin de moi tout jugement de condamnation d’une telle conscience, c’est aussi la marque des grands artistes que de savoir ce qu’ils font et que d’imposer de nouveaux canons à leurs contemporains. C’est toutefois lorsque ce geste devient l’unique objet de leur préoccupation, qu’il me semble, ces auteurs peuvent être à blâmer. Car, en effet, la posture n’est rien si elle n’est pas relayée par le talent qu’elle doit permettre au moins de déployer. Lorsque Boorman s’attaque à Excalibur, ce n’est pas tant la rupture avec l’histoire des récits arthuriens qui compte, puisque cette rupture n’est pas réellement consommée, mais bien le fait que le cinéaste britannique reprend à son compte cette histoire et s’en fait le passeur génial et novateur. Cette année, notre promenade à travers les adaptations du Fantôme de l’opéra, qui se terminera ce samedi avec Brian de Palma, un cinéaste également habitué à terminer les œuvres, tente de rendre grâce à ces différentes manière d’envisager le genre et ses motifs, sans toutefois porter a priori un jugement de valeur sur telle ou telle démarche. 

                Toutefois, donc, lorsque ce geste, éventuellement paradoxal, vide de sa substance la tradition qui l’a permise, on peut être un peu agacé par tant de suffisance… C’est tout à fait le sentiment que j’ai eu d’abord à la lecture du roman de Cormac McCarthy. L’idée de réduire le genre à sa forme la plus ténue, en se proposant non de rendre compte de la fin du monde dans les quelques semaines ou mois qui suivent son advenue, mais d’emblée en envisageant, presque comme un exercice de fiction qui vaut bien celui de la réduction ad libitum d’un américain moyen, l’état du monde de nombreuses années après la fin de celui-ci, voilà qui après tout ne manque pas d’audace, et éventuellement de possibilités de développement fortes en reprise du genre. Ce n’est cependant pas tout à fait le chemin que prend McCarthy dans son roman. Si l’on compare sa tentative avec celle de P.D. James, et je ne peux m’empêcher de le faire, même si la seule vraie bonne raison de cette comparaison c’est la présence conjointe de ces deux œuvres dans notre mois du Train…, il me semble que l’américain ne tient pas la distance face à la britannique. Le geste de McCarthy en littérature se nomme « style », et c’est par celui-là seulement qu’il prétend achever ce type de récit. Nous sommes certes loin dans son écriture des descriptions psychologiques et matérielles détaillées de Matheson lorsqu’il nous raconte le destin de John Neville, l’Omega man, pour reprendre un titre sur lequel nous reviendrons, et que portait déjà la première partie du roman de P.D. James largement évoqué. Le style de McCarthy, ce sont des phrases courtes, un vocabulaire néanmoins riche, voire précieux – mais il s’agit peut-être là aussi d’une traduction française un peu ampoulée – des dialogues qui ne prennent pas la forme convenue qu’on leur trouve d’habitude, des descriptions abstraites, presque absconses, et de la sécheresse, par-dessus tout de la sécheresse. Les situations sont ramenées à leurs expressions traditionnelles les plus basiques : le monde s’effondre littéralement, puisque les arbres morts s’abattent au sol, la quête pour la nourriture est vaine, puisqu’il n’y aura bientôt plus rien d’autre à manger que ses semblables, les affrontements avec les bandes armées eux-mêmes sont réduits à un coup de feu ou deux, puisqu’il n’y même plus de balle pour « nourrir » les armes, la longue errance sur cette route qui ne mène nulle part aboutit finalement à la lisière d’un océan gris et morne qui n’a plus l’apparence que d’une clôture aqueuse… On le saisit très vite, la lecture de ce roman va être pénible, puisque c’est exactement ce que veut générer chez son lecteur McCarthy, comme le reflet de ce monde s’éteignant péniblement. L’effet recherché est atteint. Le sérieux de l’affaire tout de même finit par plomber le tout. Si tout ceci est à ce point vain, n’en va-t-il pas de même de la lecture de cet ouvrage ? Alors certes, il  y a le rapport père/fils, puisque c’est non seulement ce qui tient réellement la narration, mais encore ce qui permet quelques moments d’identification avec les personnages. Au fond, nous sommes bien là dans une œuvre « américaine » : si tout est à ce point sérieux, tout n’en demeure pas moins vain, tant il ne semble plus exister nul espace, même formel, pour développer autre chose que cette gravité pesante, à l’exception peut-être du sentiment filial, et plus largement de la « famille », valeur décidément refuge pour les américains de ce début de XXIème siècle, qui semblent bien s’épuiser de leur soif d’avenir… Quelque chose néanmoins, il faut être honnête, se dégage de l’extrême fin du roman, pour peu que l’on se soit accroché jusque là, qui a à voir avec un sentimentalisme finalement assez naïf, mais certes suffisamment touchant pour que l’on y trouve un peu de poésie, même bien sévère…

                Le film de Hillcoat reprend trois ans après la consécration du roman par un prix Pulitzer (!) très fidèlement l’histoire de McCarthy, et la porte littéralement à l’écran, avec dans le rôle du père, Viggo Mortensen, acteur investi et sérieux, décidément habitué à jouer les guides paternels en territoire hostile – et donc coutumier des grands rôles dans de grands films définitifs ! Toutefois, malgré mes sarcasmes, il faut admettre qu’il donne corps à un film qui en manque souvent cruellement, tout comme le roman manquait parfois de substance concrète. Ce film compte d’autres grands noms du cinéma américains, prix Pulitzer oblige ! : Charlize Theron dans le rôle de la mère, qu’il a bien fallu étoffer un peu par rapport au roman afin de lui permettre de justifier son engagement, on le sent bien, et dans un registre un peu « passage de relai » pour le coup, le vieux Robert Duvall, rien de moins pour incarner le personnage « météorique » d’Elie,  et enfin le « jeune » Guy Pearce dans le rôle du terminal père de substitution. On sent bien que l’esprit de sérieux imprègne également toute la production du film, à l’instar du style du roman. Non seulement, on n’est pas là pour rigoler – certes, on en est loin…- mais on n’est pas là non plus pour faire un film d’horreur, ou de science-fiction, ou d’anticipation, ou de dystopie,  ou on sait pas quoi, supplémentaire. Ce que va nous offrir Hillcoat, dans toute Sa Grâce, c’est LE film de LA fin du monde. Parce qu’évidemment, nous sommes aux Etats-Unis d’Amérique, et que la fin du monde ne peut se départir de son sous-texte religieux. La Route, c’est non celle que nous prendrons en effet tous un jour, mais d’abord et avant tout celle qui mène à Dieu. Nous sommes ici très loin de l’œuvre de P.D. James, dont pourtant la question chrétienne et religieuse n’était jamais absente. Ce qui était déjà vrai du roman de McCarthy, et construisait son eschatologie poétique, devient impérieux dans le film, qui ne tient plus que sur cet absolu programme esthétique. 

                Le film s’ouvre sur la catastrophe. Nous ne la connaîtrons pas cependant, n’en percevant que la gravité et la soudaineté, pourtant comme pressentie. Une femme et un homme, Theron et Mortensen donc, se lèvent en pleine nuit pour écouter, sur fond de rougeoiement lointain, le vacarme de cette catastrophe – cris, explosions, nous ne sommes et ne serons jamais vraiment en mesure de matérialiser concrètement celle-ci – et tenter d’y faire face. Mortensen ouvre les robinets de la salle de bain pour récupérer vraisemblablement toute l’eau potable possible avant la destruction définitive du réseau hydrographique.  Puis brutalement, nous voici transportés dans le « présent » du film, plusieurs années après cette scène inaugurale de la catastrophe, dont rêve encore et encore le personnage de Mortensen. Celui-ci se réveille quelque part, l’on ne sait où, dehors, dans un paysage désolé et inhabité. Il est avec son fils, et très vite ils reprennent la route, celle du titre, qui doit les conduire quelque part ailleurs, on ne sait pas plus où, vers le sud où le climat serait moins terrible qu’au nord. On le voit, le « récit » repose sur un enjeu très ténu. C’est qu’en fait, nous sommes non dans le registre du « post-apo » un peu dystopique, mais beaucoup plus dans cet autre sous-genre essentiel depuis plusieurs années, le Survival, qui nous présente toutes les stratégies mises en œuvres pour survivre dans un environnement hostile. Le Gravity de Cuaron fait partie de ce sous-genre, de même que le Delivrance de Boorman, ou l’Alien de Ridley Scott. Et pourtant, rien d’apocalyptique dans ces histoires, nous semble-t-il. C’est que les Américains, et le réveil de leur vigueur religieuse, ont repris une tradition, celle du Survival, déclinaison austère et alarmante du plus traditionnel film d’aventure, pour la fondre dans un projet esthético-politique dont le messianisme n’est jamais loin. 

                Hillcoat, dès les premières scènes du film, n’hésite pas à « faire du beau » avec les paysages désolés qu’il nous présente, contredisant par là tout le propos du roman. Si le récit de McCarthy confinait parfois à l’abscons à force de prétendre se vider de toute forme a priori, en tout cas un projet de sécheresse littéraire absolue – et néanmoins vouée à l’échec – tenait le récit. Il n’en est plus rien au cinéma : Hillcoat, par la grâce du numérique et de ses tristes peintures appliquées, nous dessine un paysage saisissant comme seul le permet le cinéma dans sa dimension spectaculaire. La belle musique sentimentale de Nick Cave et Warren Ellis – peut-être pas si contradictoire avec le roman – achève de fabriquer de la belle image, dont le pendant serait peut-être tout de même le visage de Viggo Mortensen, qui, un peu à l’instar de celui de Kidman dans Invasion, dit quelque chose du film qui se déroule sous nos yeux comme malgré lui. Viggo est beau, ce n’est un mystère pour personne, et surtout pas pour lui, mais de cette beauté tourmentée qui n’est pas celle de l’habituel bellâtre américain. C’est que son visage est un paysage, dans lequel Hillcoat se plonge régulièrement, et qui correspond tout à fait au projet doloriste du film. Nous sommes dans un film éminemment religieux, et Viggo Mortensen, physiquement, possède quelque chose de cette intensité christique que le film ne va cesser de déployer, jusque, à mon sens, à la caricature.

                Nous admirons donc régulièrement les incendies incontrôlés qui dévastent villes et campagnes américaines, nous nous extasions devant les cargos desséchés échoués sur les plages de mers disparues, nous dévorons des yeux les paysages abandonnés de jungles d’asphalte entrelacées dans les espaces vides et livides de territoires perdus. Hillcoat fait du beau avec du laid, par le saisissement. Il fabrique du sublime, de ces paysages qui nous glacent par leur disproportion et provoquent en nous effroi et fascination. Quelque chose de religieux, donc. Certes, cette manière de faire me semble aller contre le projet du roman, tout d’élégiaque désolation, mais néanmoins n’est-ce pas par un moyen analogue, une façon de rejoindre le maniérisme certain du style de McCarthy ? Il y a toutefois dans ce spectacle de l’agonie esthétisante de notre monde quelque chose qui nous ramène à un cinéma dont il a déjà été question dans ces pages et qui a à voir avec les plus infâmes séries B. Dès lors que le danger guette, il m’apparaît que le film de Hillcoat ne parvient pas à se débarrasser de cette histoire qu’il voudrait finir, et qui appartient aux Mad Max de Miller et à tous ses « ersatz », notamment italiens, les 2019 après la chute de New York, Les Nouveaux barbares, Les Rats de Manhattan, jusqu’au Malevil français, ou plus sûrement au New York 1997 de Carpenter. Les barbares du futur dévasté chez Hillcoat portent les mêmes attributs folkloriques que les virils guerriers de la route des films précédemment cités : accessoires et masques vaguement sado-maso qui ne sont pas sans évoquer quelque déguisement de gladiateur, avec chaînes et barres de fer, armes trafiquées, et allure de cow-boys sauvages. C’est qu’au fond, toute cette imagerie prend sa source dans le western, d’abord américain, puis tamisé par le glorieux cinéma italien des années 60’. On ne dira jamais assez à quel point la tradition, dans à peu près tous les genres, doit quelque chose à ce cinéma fauché et inventif, qui fabriqua la contre-proposition hollywoodienne, que les cinéastes américains des années 70’ s’empressèrent de s’accaparer. Au fond, donc, tout se passe comme si Hillcoat, voulant parachever le genre, ne parvenait qu’à en célébrer l’histoire la plus secrète. La scène dite des « cannibales », tout un programme !, ne fait jamais que reprendre la bonne vieille grammaire du film d’horreur le plus craspec : caméra pseudo-subjective qui découvre en même temps que le personnage l’horreur de ce qui se passe dans la cave – un garde-manger d’hommes et de femmes vivants que les « barbares » ci-dessus évoqués dévorent progressivement -, hors-champs inquiétant, accessoires de décors fortement suggestifs comme des chaines, des crocs de métal, le dévoilement depuis l’obscurité de l’horreur qui surgit brutalement dans la lumière, etc. Cela dit, cette scène, même très brève, reste assez secouante, aussi parce qu’elle assume son caractère franchement d’épouvante, sans tenter de verser vers on ne sait quel esthétisme. Lorsque les demi-morts de faim parviennent à s’enfuir de la cave où ils sont retenus et s’en prennent, au moins pour l’un d’entre eux, aperçu subrepticement à la faveur de la fuite de Mortensen, à ceux qui les retiennent dans cet atroce état, on ne peut non plus s’empêcher de penser une fois encore à la postérité du zombie, figure famélique qui s’attaque aux vivants, trop vivants…

                Ainsi, il me semble que le film de Hillcoat (re)trouve quelque chose de la tradition et l’honore dès lors qu’il oublie sa vocation messianique – littéralement : « après moi, le déluge ! ». Bien entendu, l’on peut aussi trouver un intérêt éventuellement cinématographique à toutes ces représentations doloristes dans le film. Après tout, cela a à voir tout de même avec le cinéma qui nous intéresse. En anglais, le terme d’horror movie dit bien quelque chose du paradoxe sur lequel se fonde ce cinéma : le souci de montrer l’immontrable, l’obscène, l’horrible, et éventuellement d’en faire œuvre sinon belle tout au moins « délectable ». Quel étrange goût que celui-là, qui éventuellement correspondrait certes à une barbarie toute raffinée qui est bien celle de ce film… C’est pourtant aussi qu’il y a dans toute une tradition de représentation religieuse quelque chose qui correspond à ce goût de l’horreur. Et il est évident que les choix notamment de photographie et de composition d’un certain nombre de plans de Hillcoat entraînent son film dans cette direction. Viggo Mortensen est tout autant une piéta protégeant son enfant qu’un Christ qui connaît son chemin de croix. C’est ainsi qu’il apparaît au spectateur, parce que c’est vraiment ainsi qu’il est regardé par Hillcoat. 

                Par ailleurs, un autre élément qui me semble significatif des choix de mise en scène de Hillcoat et qui contribue à faire de cette œuvre un film tout à fait typique d’une certaine Amérique, c’est la représentation précisément du paysage américain. Nous sommes ici dans l’Americana la plus franche. Et tout le film tire vers cet « américanisme » ce qui ne reste que suggéré dans le roman de McCarthy. Ce fantasme du retour à l’Ouest sauvage, malgré le texte, malgré la dramaturgie, me semble imprégner tout le projet esthétique du film. Il y a chez nombre d’américains ce sentiment qu’au temps prochain de la Catastrophe succèdera celui immémorial du retour aux origines. C’est déjà plus ou moins, dans sa version littéraire et moins littérale, ce que McCarthy entendait lorsqu’il faisait proclamer à ses personnages, le père et le fils, qu’ils étaient « ceux qui portent le feu ». Mais dans le film de Hillcoat, ce retour aux origines de l’Humanité se « westernise » et devient un retour au début de la conquête de la Frontière, thème décidément américain. La canette de coca dégustée par le père et le fils, les références aux nombreuses marques de céréales ou chips américaines lors de la scène dite du Cellier – je me réfère pour le nom des scènes aux titres de la très belle bande originale – tout cela participe d’une connivence qui ne peut que « caresser dans le sens du poil » l’américain moyen spectateur du film, persuadé que son pays survivra à la fin du monde… Les forêts de poteaux télégraphiques, l‘Amérique d’hier, les labyrinthes autoroutiers, l’Amérique d’aujourd’hui, l’Amérique encore, l’Amérique toujours !

                Ainsi par la force du saisissement du cinéma, qui ne parvient finalement que plus difficilement que la littérature à fabriquer une représentation juste du désespoir, le roman de McCarthy se trouve tout de même comme subverti par Hillcoat. Le même sentimentalisme opère toutefois, qui tente parfois de se faire passer pour de la contemplation – il y a bien quelques tentatives « malickiennes » vite abandonnées… - mais qui en revient vite à son explicitation finalement rationnelle d’un récit dont tout malaise est évacué. Certes, à la fin le père meurt – et c’est authentiquement émouvant – mais pour que son fils, recueilli par une famille aimante (!), puisse enfin lui parler, au-delà de ce monde. Une certaine idée de l’avenir, de la renaissance – de cette « rebirth » qui n’est certes pas toujours la part la plus aimable de l’Amérique, lorsque le fils veut trop marcher dans les traces du père, et finir son travail, une bonne fois pour toute !



 

La Route (The Road), Cormac McCarthy, 2006, USA

La Route (The Road), John Hillcoat, 2009, USA

 

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